Pour savoir comment a évolué le mot « reptile » dans la langue française, je me suis dirigé tout naturellement vers le tout premier dictionnaire : le Catholicon, publié par Jehan Lagadeuc en 1464. Imprimé à Tréguier dans le Finistère (29), il est le premier dictionnaire de breton et de français (de quoi rendre fier le breton que je suis). Il est aussi le premier dictionnaire trilingue au monde. Mais hélas, il ne mentionnait pas le mot reptile. J’ai donc poursuivi mes recherches jusqu’à le trouver mentionné dans Le Thresor des trois langues espagnole, française et italienne d’Antoine Oudin de 1627. Dans cet ouvrage, le mot reptile signifie :
« bêtes reptiles, comme serpents et autres vermines qui se traînent sur la terre »
Une définition courte et efficace, même si elle fait doucement sourire puisqu’elle nous indique qu’un reptile n’est pas seulement qu’un « reptile » de notre époque. En effet, inclus implicitement tous les autres animaux qui vivent au sol (invertébrés par exemple).
Ensuite, je suis allé fouiller dans le premier dictionnaire monolingue de langue française de César-Pierre Richelet édité en 1680 et j’ai pu y trouver une nouvelle définition au mot reptile que voici :
« Insecte qui rampe »
La définition est encore plus courte que la première définition et semble complètement changer de sens. Alors que la dernière nous parle au moins de serpents, celle-ci évoque seulement les insectes. Je suis donc allé rechercher ce mot pour savoir ce que cela voulait dire à l’époque de Pierre Richelet. Je fus étonné de voir que la définition était encore moins claire que la précédente (voir ci-dessous). En raisonnant à outrance, on peut dire qu’un papillon n’est pas un reptile puisque ce n’est pas un insecte rampant! Finalement, avec un peu de recul, je me suis dit que les connaissances de leur époque n’étaient clairement pas les mêmes qu’aujourd’hui. A titre de comparaison, il faut attendre 1735 pour que Carl Von Linné pose les bases du système moderne de la nomenclature binomiale grâce au mythique Systema naturae.
« Animal aiant plusieurs coupures par le corps, au dessus et au dessous, qui n’a point de sang, ou du moins qui en a très-peu »
J’ai donc poursuivi mes recherches en allant consulter la base de données de l’académie française sur le mot reptile de 1694 jusqu’à nos jours. Cela nous permettra d’avoir des définitions fiables puisque ces dictionnaires sont réalisés par une institution dont le but est de perfectionner et de normaliser la langue française.
Je vous invite donc à lire les définitions du mot reptile sur leur site : https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A1R0031-05 afin de mieux comprendre ce dont je vais vous parler ultérieurement.
La première définition de 1694 est légèrement plus développée que les deux premières que je vous ai cité précédemment. En effet, on nous apprend que le mot n’est déjà plus considéré comme un adjectif mais qu’il est plus généralement utilisé comme nom (substantif).
Cette définition sera identique jusqu’en 1835 où les académiciens complètent la définition en ajoutant que dans le monde scientifique, le mot était utilisé pour définir seulement les animaux vertébrés à sang froid qui respirent par les poumons que sont les serpents, les lézards, les tortues et les grenouilles. A noter que la définition était déjà incorrecte lors de la publication de ce dictionnaire puisque Blainville1 sépare les batraciens des reptiles en 18162. Ils ajoutent que le mot reptile s’utilise dans le langage familier pour désigner quelqu’un qui emploie des moyens bas et vils pour s’avancer ou pour nuire.
De nouveaux changements interviennent dans l’édition de 1935, mais pas dans le bon sens. En effet, la définition est drastiquement réduite à seulement 2 lignes. Ils ne considèrent plus le mot comme étant un adjectif et ils ont retiré son utilisation dans le langage familier. Toutefois, la définition garde la voie scientifique qu’elle a prise auparavant mais ne cite plus les animaux faisant partie de cette classe. On pourrait se demander s’ils mettent les batraciens dans la définition ?
Dans la dernière édition (toujours en rédaction au moment où j’écris cet article), la définition est très détaillée. En effet, ils ont fait marche arrière en redonnant au mot reptile son pouvoir à être adjectif et son sens dans le langage familier. La définition zoologique est bien plus détaillé qu’avant en nous expliquant les grandes caractéristiques de la classe reptile. On remarque d’ailleurs qu’elle n’inclut plus les batraciens et la remplace par les crocodiles (la première fois que l’on rencontre le terme dans les définitions).
1Henri-Marie Ducrotay de Blainville, herpétologiste français
2Prodrome d’une nouvelle distribution systématique du règne animal, Bulletin de la Société Philomatique de Paris, Vol.8.